La pandémie actuelle et le confinement qui en résulte nous invitent à nous poser la question : Dans quel monde souhaitons nous vivre ? Le monde d’aujourd’hui est paradoxal à plusieurs titres et l’avenir incertain. La sortie de cette crise peut être une formidable opportunité pour changer de cap…ou pas.
Dans les faits, notre société mondialisée s’appuie sur des mécanismes induits par notre culture occidentale qui par nature n’associe pas santé préventive et santé curative. En France, améliorer l’état de santé de la population est à la marge intégré au budget du système de santé. Cette prévention primaire si absente est pourtant pleine de vertus car elle exige une approche holistique, collective et responsabilisante pour chaque individu. Elle s’inscrit dans les fondements d’une société plus humaine et plus juste. Changer de cap n’est pas forcément plus couteux que poursuivre une politique qui va dans le mur. Par contre cela nécessite de changer le logiciel dans la tête de nos décideurs, voire de changer de décideurs si leur logiciel ne peut plus être mis à jour. C’est le frein majeur au changement !
Cet article se concentre sur ces 3 grands paradoxes : dissociation de la santé préventive et curative, approche individuelle du risque santé, croyances sur le coût exorbitant d’un changement de cap.
Des solutions existent. Des millions de personnes rien qu’en France sont déjà dans l’action . Nous en parlerons dans un prochain article.
Des systèmes de santé focalisés sur le traitement des maladies, une définition de la santé de l’OMS focalisée sur la prévention
Au delà des choix politiques, des solutions de traitement, des conséquences économiques, de l’impact sur notre quotidien, dont on peut discuter pendant des heures (les médias sont en boucle sur le sujet), la pandémie du Covid-19 nous montre avant tout combien il est important d’être en forme. Etre en forme (en bonne santé) permet de surmonter la maladie, le stress des risques professionnels induits par la pandémie, la difficulté à vivre confinée, la peur de la mort.
Dans les moments graves que nous vivons, rappelons simplement que la prévention santé échappe en grande partie au système de santé et n’est quasiment pas inscrite dans son budget. Le budget de la santé représente environ 11 % du PIB en France avec seulement 2% de ce budget lié à la prévention. Alors stocker des masques au cas où …
Cette approche curative de la santé fait partie de notre culture, de notre vision occidentale et financiarisée du monde. Même si les temps changent, elle continue à induire dans les mentalités une forme de désintérêt à être acteur de sa santé puisque le système de santé pourra nous traiter si nous sommes malades ou avons un accident quelqu’en soit le prix.
Pourtant l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) définit la santé comme « un état complet de bien-être physique, mental et social ». Cette définition de la santé est forte de sens, elle est :
- Responsabilisante : entretenir cet état complet de bien-être relève de la responsabilité de chacun (nous sommes tous acteurs) : faire du sport santé, des activités de bien-être , penser positif etc...
- Collective : l’homme est un animal social et donc, être bien dans son corps et dans sa tête ne suffit pas pour être en bonne santé. Il est aussi nécessaire d’être bien dans sa relation à l’autre (bien-être social), vivre des échanges bienveillants, valoriser l’autre, positiver, faire preuve d’humilité, partager des expériences qui font du bien etc...
- Holistique : elle nous permet aussi de prendre conscience du nécessaire équilibre corps (bien-être physique), esprit (bien-être mental), coeur (bien-être social) pour être en bonne santé au quotidien. Elle nous permet aussi d’accepter que nous sommes individuellement un tout petit tout (un humain) dans un grand tout (l’univers).
Ce sujet n’est certes pas la priorité du moment en pleine période d’accélération de la pandémie. Cependant, il questionne sur les bonnes stratégies de prévention à appliquer dans le futur. Pour un état comme la France, investir dans la modernisation des modes de management et des outils du système de santé curatif actuel est un besoin évident. Soutenir les entreprises pour les aider à survivre à cette pandémie est également un besoin évident. Mais cela serait une grave erreur de considérer que cela sera suffisant. Nous n’aurons jamais assez de masques, de respirateurs, d’infirmières, de médecins si la société dans laquelle nous vivons continue de dégrader chaque jour un peu plus notre vitalité d’humains : mauvaise qualité de l’air et de l’eau, mal bouffe, stress, sédentarité, précarité, …
Une société mondialisée et individualiste
Le deuxième grand paradoxe auquel nous sommes confronté quand on parle de santé est la primeur donnée à l’individu. La santé est perçue comme une affaire personnelle et le système de santé intervient auprès de chaque individu quand « le mal a dit » . Cette culture du tout individuel stimule notre ego le « je pense donc je suis » si présent dans notre modèle de pensée occidentale.
Pourtant, le niveau de risque sanitaire actuel nous montre les limites de cette vision du monde. On peut penser ce que l’on veut, face au virus rien ne nous garantie que demain « je suis » encore. De plus, l’isolement social, le confinement que l’on nous impose révèle au grand jour l’impact dramatique de comportements individuels irrespectueux des règles de santé collective.
Cette période inédite nous guide plutôt vers un modèle de pensée universelle qu’une expression comme « tu es donc je suis » (titre du très bon livre de Satish Kumar) pourrait traduire . Nous respirons tous le même air. Un enfant meurt s’il ne peut pas toucher ses proches. Combien de temps pourrions nous survivre si nous étions confinés sans contact même virtuel avec les autres ?
Aussi puissant que notre ego puisse prétendre être, il n’est rien fasse à la puissance de ce qui nous rassemble en tant qu’êtres humains. Se rassembler c’est être bien ensemble. Etre bien ensemble, c’est être bien dans son corps, bien dans sa tête et bien dans la relation aux autres. Etre bien ensemble, c’est être en bonne santé .
Croire que changer de cap en politique de santé publique aurait un coût exorbitant
Le troisième grand paradoxe de notre société quand il est question de santé est de croire que changer de modèle pour avoir une population en meilleure santé génère un problème de financement insoluble. En fait, le principal frein au changement n’est pas un problème de financement mais d’absence de bénéfices prévisibles de ces changements pour l’égo des décideurs en place. Combien a couté le mouvement des gilets jaunes, combien va coûter la pandémie du Covid-19 ? Est ce que cela va coûter moins cher que l’investissement que l’on aurait pu, dû faire pour éviter que tout cela n’arrive ?
En Europe, une grande partie de la population a déjà pris conscience des changements nécessaires pour une vie plus durable. Il suffit de regarder l’explosion des pratiques sportives et activités de bien-être, le développement du bio et de l’agriculture raisonnée, l’engagement des jeunes pour le climat et leur désintérêt pour les entreprises où il ne fait pas bon vivre . En tant que citoyens nous sommes déjà très nombreux à être conscients des efforts nécessaires et prêts à les assumer .
L’évolution du marché mondial du bien-être confirme qu’il ne s’agit pas d’une mode mais d’une tendance de fonds . Le marché du bien-être croit deux fois plus vite que la croissance économique mondiale. Les dépenses mondiales de mieux être dépassent la moitié des dépenses mondiales de santé. L’industrie du bien-être représente plus de 5% de l’économie mondiale ! ( Global Wellness economy monitor 2018).
Le prix à payer ? Peut être tout simplement que les décideurs reconnaissent les associations sportives, les salles de sport et espaces de bien-être, les thérapeutes de médecines douces comme des composantes d’une nouvelle armée, celle de la prévention santé au service de l’entretien du bien-être physique, mental et social de tous les français. L’objectif de cette armée sera tout simplement de convaincre chaque français du bien fondé pour soi et pour les autres d’entretenir sa santé. L’épigénétique nous confirme aujourd’hui que notre mode de vie a un impact sur nos gènes. Les cancers, les maladies cardiovasculaires, le diabète, l’obésité, la sédentarité, les burn-out se nourrissent de nos dérives comportementales individuelles et collectives.
En prenant plus soin de nous, nous serons moins malades, mieux dans notre peau, mieux avec les autres. Notre système de santé curative sera alors bien moins onéreux, la performance économique de nos entreprises meilleures, la qualité du mieux vivre ensemble sur les territoires renforcée. Est ce vraiment une utopie ?
Des solutions concrètes existent, elles seront abordées prochainement sur le blog.